
Vous vous situez dans les toutes premières années 60. C’est les début du Gaullisme triomphant, la fin de la décolonisation et le début de la « FranceAfrique ». Vous prenez l’assassinat, véridique, d’un opposant africain dirigeant de l’UPC (Union des Populations du Cameroun), Félix Mounier, assassinat grossièrement piloté par le SDCE.
Vous prenez un journaliste, Luc Blanchart, issu des milieux policiers et qui a donc des « relations », à qui son rédacteur en chef plein de pugnacité, René, demande de faire une enquête sur cet assassinat.
En parallèle vous ajoutez un corse exilé à Marseille plongé de façon un peu bancale dans le « milieu », pas trafiquant, plutôt passeur et intermédiaire entre les « familles », Antoine Lucchesi, avec un bon fond et des responsabilités respectables, aimant sa femme Maria qui tient un restaurant , et s’occupant des enfants même s’il n’était pas leur père.
Et puis les choses s’enclenchent, ou se gâtent comme on veut.
Pour Luc, le journaliste, c’est simple: il sème beaucoup trop le trouble dans la mare aux caïmans en posant beaucoup trop de questions trop vite, et il échappe de justesse à un passage à tabac. Par ses anciennes relations, il remonte jusqu’à un des deux agresseurs un certain Grenier, agent des « services », justement en partance pour le Cameroun et auquel il emboîte le pas, ou plutôt l’avion.
Pour Antoine, c’est vraiment la faute à pas de chance. Le cuisinier du restaurant, Alphonse, a du rentré au pays pour revoir un vieux parent très malade et il a emporté sans le savoir (il est dans la doublure d’une valise que Maria a prêtée au cuisinier) un livre de comptes avec tous les arrangements entres les « familles » qui sont tout de suite très, très énervées. Et il n’a pas le choix: soit il le ramène sous un mois soit toute sa fratrie est ziguouillée. Il s’envole aussi sec vers le Cameroun.
Et Luc et Antoine se retrouvent au même hôtel restaurant, « Au relais des Chasses » tenu par la jolie Lucille, haut lieu de Yaoundé réservé aux « blancs », dont les militaires français, toujours très présents. Et là surgit dans l’histoire un militaire, Sirius Wolkstrom, grande gueule, plutôt pas sensible quoique, très allumé, il s’occupe d’explosifs, et surtout électron libre, très libre.
Et puis l’histoire avance, Antoine part à la recherche du cuisinier Alphonse. Bon au passage il pique une jeep en abandonnant en rase campagne son propriétaire qui malheureusement y trépasse. Antoine réussit quand même à retrouver Alphonse et à récupère son livre de comptes, de justesse avant que les forces de sécurité embarquent Alphonse soupçonné à raison d’être un membre de l’UPC, en abattant au passage son vieux parent. Antoine est corse, il a le sens de l’honneur et se refuse à abandonner Alphonse. Mais il est grillé parce que dénoncé pour son larcin et surtout pour la mort du propriétaire de la jeep. Lucille croit sa version des évènements et lui fournit une « planque » en attendant qu’il puisse dégager du pays.
Pour le journaliste, Luc, son enquête a bien avancé mais les choses tournent aussi forcément mal. Il est reconnu par Grenier et « on » lui demande de déguerpir. Comme il se fait prier, qu’à cela ne tienne, il se fait tirer dessus. Il doit prendre la tangente fissa, non sans amener Lucille qui s’est faite déposséder du « Au relais des Chasses ».
Maintenant, c’est le grand jeu final et c’est Wolkstrom qui le mène. Il trouve où est détenu Alphonse, réussit à piquer à l’armée française un hélicoptère avec son pilote, et parvient au culot à libérer Alphonse. Et c’est la fuite vers le sud et vers le Gabon en hélicoptère qui tombe en panne sèche. Ils sont alors rattrapés par les nervis français méchamment agressifs. Mais Alphonse a pu prévenir ses potes de l’UPC qui ont des arguments pour les calmer et permettent aux fugitifs de passer la frontière.
Enfin voici l’épilogue, Antoine a pu revenir avec le livre de comptes et reprendre sa vie avec Maria et les enfants. Alphonse retrouve sa place au restaurant. Luc ramène pour rien un article explosif à son rédacteur en chef qui a perdu entre temps de sa superbe. Mais il est revenu avec Lucille qui apprécie vite la vie parisienne. Woklstrom, sans attache particulière en France, préfère finalement l’Afrique où il se sent encore le mieux.
C’est la fin aussi pour Célestin chauffeur de taxi camerounais avec son antique 2Cv, qui va accompagner Antoine pendant tout le roman et l’aider dans ses recherches. Célestin, c’est la finesse, la discrétion, la gentillesse, l’intelligence et le courage. Il est malheureusement tué par les nervis avant leur libération.
C’est un bon roman noir qui a été primé en 2021, un peu complexe dans ses personnages avec des situations très souvent réalistes. Il décrit bien l’atmosphère post-coloniale avec toute sa violence, toute sa hargne, ses mensonges, son hypocrisie et son mépris et rappelle toutes les exactions commises par la France dont le seul but a été de continuer à spolier ses anciennes colonies.