
Je l’avais en mémoire quelque part; c’était le Goncourt de … je ne sais plus, enfin si maintenant puisque je l’ai sous les yeux, de 2021 donc. Dans ce que j’ai retenu le jury s’était auparavant vu critiqué quelque chose comme son ethnocentrisme en négligeant trop les œuvres pas assez hexagonales.
Mohamed Mbougar Sarr, l’auteur de ce roman, est originaire du Sénégal et a donc reçu le prix Goncourt en 2021, l’année de ces 31 ans. C’est un magnifique écrivain.

Mohamed
Mbougar
Sarr

Avec une langue et une écriture d’une grande finesse, subtile, riche, raffinée nous sommes transportés dans l’espace (l’Afrique et le Sénégal, Paris, Amsterdam, l’Amérique du Sud) et dans le temps à travers le 20ième siècle (la première guerre mondiale, la seconde, les années d’avant et d’après guerre et encore d’autres) dans les méandres d’une quête d’un écrivain imaginaire, Diégane Latyr Faye, sur les pas et la destinée d’un auteur tout aussi mythique T.C. Elimane, de son vrais nom Elimane Madag, que nous ne connaitrons pas, après avoir découvert son unique roman « Le labyrinthe de l’inhumain » que nous ne lirons jamais.
T.C. Elimane est le fils de Mossane devenue la folle sous le manguier du cimetière et de Assane Koumakh, parti au champs d’honneur quelque part dans les Ardennes ou en Artois et n’en est jamais revenu, ou peut-être bien de son frère cadet Ousseynou Koumakh qui lui est resté au pays, d’abord comme pécheur puis, devenu aveugle, comme guérisseur et voyant.
Ce livre nous parle d’une autre quête, celle mystérieuse et silencieuse d’un TC Elimane, distant et présent, prisonnier de drames juste esquissés, écrivain très tôt incompris. Nous le suivons et le découvrons à travers les témoignages des personnages qu’il a fréquentés au cours de ces années, comme ses éditeurs Thérèse Jacob et Charles Ellenstein ou des écrivains, africains comme lui, Musimbwa, Béatrice Nanga, et d’autres comme Sabato et Gombrowicz.
Cette quête l’occupera des décennies et l’amènera très loin de chez lui et assèchera ses talents d’écrivain puisqu’il ne réussira pas à écrire son deuxième livre, c’est le regret amer de sa vie. Elle le ramènera finalement en Afrique dans son village où, loin des livres, il exercera comme son « père » ses talents de guérisseurs et de voyant et trouvera ainsi une paix relative parmi les siens.