Marina Tsétaïeva, mourir à Elabouga par Vénus Khoury-Ghata

C’est à une plongée dans les années 20 et 30, de l’Europe et de la Russie post révolutionnaire que nous invite ce livre, et du destin implacable de cette brillante intelligentsia russe décimée et brisée par l’exil et les purges staliniennes.

Marina Tsétaïeva, miséreuse, trahie et désespérée, provocante et scandaleuse, vouée à sa poésie et niée par ses contemporains en finira avec ses jour au bout du monde, dans la bourgade d’Elabouga sur la rivière Kama quelque part, loin en pays Tatar.

Condamnée par la Russie stalinienne, son œuvre sera réhabilitée dans les années soixantes.

MARS

Ô pleurs d’amour, fureur !
D’eux-mêmes — jaillissant !
Ô la Bohême en pleurs !
En Espagne : le sang !

Noir, ô mont qui étend
Son ombre au monde entier !
Au Créateur : grand temps
De rendre mon billet

Refus d’être. De suivre.
Asile des non-gens :
Je refuse d’y vivre
Avec les loups régents

Des rues — hurler : refuse.
Quant aux requins des plaines —
Non ! — Glisser : je refuse —
Le long des dos en chaîne.

Oreilles obstruées,
Et mes yeux voient confus.
À ton monde insensé
Je ne dis que : refus.

                    15 mars-11 mai 1939.


Les Migrants.

Il ne faut pas avoir peur, tout le reste est illusion.

Nous pouvons bien vouloir nous agripper, nous raccrocher à la moindre aspérité, au moindre moment, il faut partir toujours et tout le temps.
Les migrants le savent bien, eux qui partent deux fois; mieux vaut partir que rester, pour échapper à l’éternité et à la folie.
« Nous sommes tous des migrants du temps »

"Les Délices de Tokyo"

C’est un livre de l’écrivain japonais Durian Sukegawa dans lequel on entre par une porte tout à fait insignifiante, comme une histoire banale d’un homme qui après des échecs répétés survit comme employé en tenant une boutique de dorayaki. Les dorayaki sont une patisserie japonaise faite d’une purée sucrée de haricots rouges fourrée dans une pâte style pâte à crêpe. Rien de bien spécial donc.
Et puis l’histoire de cet homme s’étoffe de rencontres avec ses clients. Et il rencontre ainsi une vieille femme un peu infirme qui finalement travaille avec lui et lui enseigne tous les secrets de la préparation des dorayaki. Avec une jeune collégienne très isolée qui se lient avec eux, ils deviennent une communauté attentive et inquiète.

L’histoire soudain bascule parce qu’une rumeur s’est répandue et fait fuir tous les clients. Cette rumeur dit que la vieille femme est porteuse d’une maladie terrifiante, la maladie de Hansen. La maladie de Hansen, c’est la lèpre. Elle a encore sévi au Japon après la guerre, à la fin des années 1940. Et le livre raconte avec beaucoup de finesse et de pudeur l’histoire dramatique de cette personne et de ces Japonais que la maladie a totalement exclus de la société japonaise.
Ce livre publié en 2013 a été traduit en français en 2016 par par Myriam Dartois-Ako. Un filme a été tourné en 2015 à partir de ce livre par la réalisatrice Naomi Kawase.

Bernard Lavilliers en concert.

C’était samedi soir, le 24 mars dernier, au Palais des Congrès de Strasbourg. Un magnifique concert et du grand Lavilliers très pro et toujours engagé, avec en première partie, Cyril Mokaiesh, un excellent chanteur encore méconnu.
Un public au top et une belle et chaude ambiance pour vous regonfler le moral !
Voici quelques photos du concert:

 

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"La Vie Douce" en cadeau de Noël.

C’est ce roman de Leila Slimani que j’avais choisi comme cadeau de Noël cette année (enfin en 2017…) parce que je ne connaissais pas cette romancière et que j’avais envie de la découvrir.

Leila Slimani est une personne jeune née en 1981, française et d’origine marocaine. Elle est une fantastique écrivain avec une maîtrise, une élégance et une précision de langage rare.

Ce roman est terrible, c’est l’histoire d’un double infanticide. C’est une histoire horrible dont l’auteur démonte avec acuité et met au grand jour les mécanismes terrifiants avec au centre, Louise.
Louise dont la vie confuse et manichéenne se brise lentement. Elle sombre inexorablement, inéluctablement et définitivement. Et en essayant désespérément et follement d’échapper à sa chute, elle  entraîne avec elle les seuls qui ont été jusqu’au bout et sans le savoir le seul espoir de vie.
Un beau cadeau quand même, et qui aura une suite.
Mais comment nier ensuite le plaisir de se plonger dans mon second cadeau, comparativement bien léger et frivole, et dans les aventures du commissaire Adamsberg du dernier roman de Vargas!

Bonnes Fêtes et Meilleurs Voeux !

Voici une formule bien puérile et usée.
Et pourtant nous n’en avons jamais eu autant besoin ! Il suffit pour s’en convaincre de penser aux milliers de victimes de guerres et d’attentats, aux millions de personnes rejetées dans l’indifférence, l’exploitation,  l’hostilité, le fanatisme et le cynisme ambiants.

La musique comme toutes les autres formes d’art peut lorsqu’elle s’offre à tous permettre d’accéder à un regard et à une écoute partagées qui en font une réponse humaine parmi les plus profondes et les plus fortes.
Bonne année à tous !!!
Cette photo a été faite pendant le concert gratuit donné par l’Orchestre Universitaire de Strasbourg le 21 décembre 2017 à l’occasion des fêtes de fin d’année. Merci  à eux.

MAUS

Art Spiegelman est un auteur de BD américain. Il est juif, comme son père et sa mère. Sa famille est d’origine polonaise. Sa mère et son père ont subi la barbarie, les persécutions et la déportation par les nazis pendant la seconde guerre mondiale, comme d’autres millions de juifs. Ils ont connu le camp d’extermination d’ Auschwitz et en ont réchappé par miracle.nComme de nombreux autres rescapés des camps, sa mère s’est suicidée en 1968.
A la fin des années 80, Art Spiegelman a recueilli les souvenirs de son père comme témoignage des souffrances inimaginables endurées par les juifs et les a publiés dans une oeuvre originale en bande dessinée: MAUS.
Dans cette bande dessinée Art Spiegelman nous amène avec lui à la rencontre de son père et de ses souvenirs et nous fait partager ses sentiments et ceux de son père où se mêlent les souvenirs du passé et leur résurgence douloureuse et continuelle dans le présent.

Cette oeuvre a été rééditée en 2015 pour le vingt cinquième anniversaire de sa parution.

Alors que les valeurs européennes et démocratiques s’affaissent, cette réédition vient nous rappeler aujourd’hui , le potentiel de la cruauté humaine et les risques présentés par les nationalismes, la nécessité de protéger et de développer l’esprit de tolérance et de démocratie, et par dessus tout l’importance de la justice sociale et de la lutte contre les pauvretés, bien à l’opposé de l’indifférence et cynisme couramment affichés.
Plus jamais ça !

"La cache"

Ce livre de Charles Bolstansky (le premier) nous invite dans une écriture simple, riche et splendide à la visite d’un lieu, d’une habitation dans la rue de Grenelle à PARIS, un peu en dehors du monde, lovée secrètement autour d’une cour intérieure.nLe livre nous raconte la vie dans ce lieu, celle d’un grand père, brillant médecin gastro-entérologue, d’une grand mère paralysée suite à un poliomyélite, de leur enfants et amis. Les personnages se promènent à travers l’histoire, avec la fuite du berceau originel, la lointaine Odessa, et des ses pogroms, puis dans la guerre de 14-18 « chaîne exterminatrice où il n’était qu’un maillon impuissant », pour arriver dans la seconde guerre qui débute avec la débâcle de l’armée française imputée à une cinquième colonne composée de Juifs et de métèques.

Un filme à voir: "Nous trois ou rien."


C’est le titre du nouveau film de Kheiron Tabib qui raconte l’histoire réelle d’opposants iraniens pourchassés par les dictatures successives, ultralibérales du shah d’Iran, puis islamiste de l’imam Khomeini.
La première partie du filme montre comment cette famille a du finalement fuir leur pays vers la Turquie à travers les montagnes pour arriver en France qui leur a accordé l’asile politique. La seconde partie du filme raconte leur intégration difficile et réussie dans la société française d’une banlieue parisienne.
L’originalité et la richesse du filme, renforcées par le jeu des acteurs avec en particulier l’auteur du film, Gérard Darmont et la belle Leila Behkti, proviennent du vécu de l’auteur toujours très présent à travers mille détails tellement vrais et aussi du ton léger et souriant adopté malgré la gravité et l’intensité dramatique de certains passages du filme, de l’histoire racontée et des sujets abordés.
Certains critiquent ce ton jugé superficiel, mais comme le dit l’auteur « Donner une information avec humour ne désarme pas le message ». On pourrait ajouter; …et même facilite sa diffusion. Et certains futurs électeurs seraient particulièrement bien inspirer d’aller voir ce filme avant de donner leur bulletin de vote à vraiment n’importe qui.
Quant à ceux qui trouvent l’issue du filme trop idéale et irréaliste, ils doivent pour une fois bien accepter de voir la vie moins en noir puisque dans l’histoire réelle il semble bien que c’est bien ainsi que ça s’est passé !