Un dimanche au cachot – Patrick Chamoiseau

P Chamoiseau - Un dimanche au cachot
Patrick Chamoiseau


Ce livre est un roman. Enfin… c’est écrit dessus, mais en est-ce vraiment un ? ou alors, c’est un roman bien étrange, entre histoire, culture créole et philosophie.

C’est l’histoire d’une petite fille à moitié folle, Caroline, enlevée à des parents drogués et brutaux puis confiée à une institution, la Sainte Famille.
Les bâtiments de cette institution sont construits sur l’emplacement d’une très ancienne plantation sucrière esclavagiste dont ne subsiste plus aujourd’hui que quelques vestiges en ruines. Et un peu à l’écart, une voûte sombre faite en pierres et à moitié enterrée est restée de cette époque.
Caroline ne s’est pas intégrée avec les autres enfants de l’institution, elle reste très isolée et, de façon inexplicable, fuit souvent se réfugier sous cette voûte en ruine où elle parait se sentir mieux, se détendre et s’apaiser. Sylvain, un éducateur de l’institution, a pourtant tout tenté. punitions, récompenses, pour sortir Caroline de son isolement, mais en vain.

Alors, en désespoir de cause, il demande à un ami, l’auteur, lui donc l’écrivain mais aussi éducateur de métier, de rejoindre Caroline sous cette voûte refuge pour tenter d’établir une relation avec elle, pour parler avec elle et pour essayer de la faire revenir.

C’était un dimanche pluvieux, un peu vide et désœuvré que tous les deux, Caroline et l’auteur, vont se retrouver comme piégés, enfermés pour de très longues heures sous cette voûte qui semble se refermer sur eux.


C’est le début de la plongée de l’auteur dans l’histoire de cette voûte sinistre où Caroline l’a attiré. Et il va y rencontrer tous les personnages du passé esclavagiste de cet endroit.

Il y a le Vieux Blanc aujourd’hui disparu, le défricheur, le violeur l’Oubliée et de la mère de l’Oubliée et de tant d’autres.
Il y a L’Oubliée, fille du Vieux Blanc et rejetée par sa Manman Bizarre, l’Africaine, Mais voici aussi La Belle, mystérieuse, indomptable, maléfique avec son ongle menaçant et qui s’avérera être la grand mère de L’Oubliée et la mère de l’Africaine. La mère et la grand mère se précipiteront vers la mort et les tortures plutôt que de subir l’asservissement.
Et il y a le Maître-Béké, le fils du Vieux Blanc, qui a repris la sucrerie esclavagiste lorsque le vieux blanc est devenu trop vieux puis est mort. Le Maître-Béké et son molosse dominent par le terreur ce lieu peuplés d’esclaves noirs déportés depuis l’Afrique.
Il y a le Vieil Esclave et Sechou tous deux seuls compétents pour la cuisson des cannes à sucre et donc à la fois indispensables au Maître et aussi inexistants comme êtres humains aux yeux du Maître, parce que noirs et esclaves, juste des machines. Le Vieil Homme puis Sechou vont marronner et fuir la sucrerie et le Maître-Béké et son Molosse sans que ces derniers ne parviennent à les reprendre pour les châtier.
Et il y a le Visiteur, le vendeur de porcelaine, qui est venu de France jusqu’ici, Hostile à l’esclavage il est venu pour constater, pour comprendre et pour témoigner. Son nom ? Victor Schoelcher.

L’Oubliée a eu peur pour le Vieil Homme lorsqu’il s’est enfui et

« elle avait maudit le ciel avec les mots de sa Manman Bizarre: consonnes vélaires, gutturales, qui s’épenchaient comme une grouillée de bêtes. »

Parce que dans la déraison de ces mots étranges incompréhensibles résonnent les profondeurs de la lointaine et originelle Afrique, le Maître-Béké fait jeter au cachot L’Oubliée.

Le cachot, c’est un lieu d’horreur dont on ne sort pas vivant, c’est en soit une torture;

« ce machin-là, c’est la mort en figure… c’est la mort dans la mort… »

en dit Sechou au visiteur.

Cette voûte sombre où Caroline et l’auteur se retrouvent enfermés est peut-être bien le vestige du cachot où L’Oubliée a été enfermée. Et l’auteur en écrivant pour son roman l’histoire de L’Oubliée, revit avec Caroline toute l’histoire dont elle-même est issue, son histoire.
Dans le cachot, L’Oubliée doit affronter le vide, la promiscuité effrayante des rats, des vers et des insectes rampants piquants mordants, et puis aussi la menace mortelle et de plus en plus proche et précise des bêtes-longues agressives et venimeuses. Comme sa mère l’Africaine et sa grand-mère La Belle, L’Oubliée ne cède pas à la peur de la mort. Mais elle échappe à la mort, elle affronte son destin et finit par réussir à survivre au cachot et aux bêtes-longues. L’Oubliée finalement quittera le cachot et la plantation sucrière sans avoir besoin de fuir, en passant calme, tranquille, la tête droite devant le Maître et son Molosse qui s’écarteront et la laisseront aller et partir vers les grands bois pour rejoindre ceux déjà partis.

Et Caroline accompagne l’auteur lorsqu’il s’enfonce profondément dans l’histoire de L’Oubliée, elle le soutient lorsqu’il vacille et risque de se perdre dans les ténèbres de la voûte et de l’histoire terrible qu’il écrit. C’est Caroline qui finalement sort la première de la voûte et tend la main à l’auteur pour l’aider à sortir à son tour quand Sylvain est venu les chercher. Et Sylvain est éberlué de voir que Caroline est devenue docile, qu’elle ait retrouvé un regard d’enfant et qu’elle soit allée spontanément rejoindre les autres enfants.
Sylvain dit que c’est grâce à l’auteur que Caroline est sauvée de son isolement et sa folie, mais non, l’auteur ne le pense pas.
Lui pense simplement ceci:

« J’avais seulement incarné dans ce cachot la douloureuse liberté que L’Oubliée était forcée de s’inventer. Sechou, le Maître, L’Oubliée, le visiteur… je les avais laissés me traverser en plusieurs mailles… Je les avais regardés vivre leur vie en moi, sans moi. Aller vivre leurs libertés en moi sans rien leur demander d’autre qu’une petite distance, ma propre liberté… »

« C’est en restant indécidable qu’une liberté peut ouvrir à toutes les libertés »

« La beauté est toujours neuve, c’est son signe. Elle se renouvelle et renouvelle toujours et c’est pourquoi on ne saurait la définir. Elle ne peut entraîner ni tyrannie ni barbarie quand on la cherche toujours et qu’on n’arrête pas. De la chercher toujours vous confie à la grâce ,.. cette grâce partout comme une légèreté. Ce que confère la grâce c’est l’intuition de la beauté. »

C’est un beau texte !

Harlem Quartet – James Baldwin

James Baldwin


Harlem Quartet est un livre qui se lit et qui ne peut être résumé. C’est un livre attachant qui vous porte à ouvrir les yeux et l’âme.
Avec ce livre James Baldwin nous emporte profondément dans la vie, les passions, la pureté et la ferveur de la jeunesse noire américaine des quartiers de Harlem dans les années cinquante.
Ce livre est un hymne et un appel à l’amour, à l’humanité, à la tolérance, à l’altruisme et à la justice. et vous porte

Le quartet de Harlem, c’est Arthur, Red, Crunch et Peanut, quatre ados qui essaient sans souvent y parvenir de devenir adultes.
Ensemble et depuis toujours, ils chantent du gospel dans les églises de Harlem d’abord, puis dans celles de toute l’Amérique du Nord par la suite.
C’est leur intimité la plus secrète, la plus crue et la plus charnelle, et leurs destinées que James Baldwin nous invite à comprendre et à partager, et surtout celle d’Arthur.
Arthur, adolescent si tôt et définitivement abusé, est le cœur palpitant de ce livre.

Harlem Quartet - James Baldwin


Il y a Arthur et son quartet, et tous les proches, avec d’abord ses parents Paul et Florence, ses sœurs et son frère ainé, Hall, sentinelle bienveillante qui se raconte et nous raconte son petit frère aimé, et les autres.
Et la miraculeuse, l’inconcevable Julia, devenue prédicatrice dès sept ans, puis écrasée, torturée, et pourtant encore et toujours passionnée, vivante et résiliante, et son petit frère Jimmy aimé. Et son père Joël, qui devient brutal et cynique, violeur monstrueux et qu’elle se refusera toujours à dénoncer.
Il y a toujours la foi et les cantiques et leurs mots si importants – ciel, péchés, chagrin, foi, chemin, saint esprit, croix, rivière, douleur, sauveur, Jésus, lumière, phare avec la religion qu’ils chantent.

Et il y a les amitiés et les amours sans fard, sincères, intenses et jamais trahis, ceux des parents d’Arthur et de Hall, ceux d’Arthur avec Crunch et puis Jimmy, ceux de Hall avec Martha, Julia puis avec Ruth, et les autres bien sûr.

« Derrière le visage de quiconque nous avons aimé pour de bon – qui nous avons aimé, nous aimerons toujours, l’amour n’est pas à la merci du temps et il ne connait pas la mort, ils sont étrangers l’un à l’autre -… L’amour aide alors, si la mémoire ne le fait pas, et la passion, excepté dans son intense relation avec l’agonie, travaille à l’ombre de la mort. La passion est terrifiante, elle peut vous faire vaciller, vous transformer, vous faire courber la tête comme un vent qui se lève du fond de la mer alors que vous êtes au large sur le bateau de votre mortalité ».

Et il y a le Pays et l’Histoire, avec la guerre qui envoie les plus âgés se battre en Corée et éloigne les amours.
Et il y a les couleurs de peau diverses et les origines, avec plus loin l’Afrique dont ils sont tous issus, et l’Asie aussi présente dans le sang et les visages.
Avec le Sud, toujours barbare autrefois, esclavagiste et aujourd’hui massivement enfermé dans une atrophie sociale et spirituelle une obsession de la différence de couleur, une paranoïa de l’intelligence si elle n’est pas portée par la bonne couleur.
Peanut y sera englouti, disparu et à l’évidence assassiné après un concert donné la-bas , victime du mépris, de l’esprit de revanche et de la haine des Noirs. C’est la vrais fin du quartet .


« Je regardai autour de moi.
Un Noir ne regarde pas autour de lui de la même manière qu’un Blanc: il y a une différence. Un peu comme j’ai appris à vivre, plus ou moins, avec ma peur de l’avion, j’ai appris à vivre dans un monde blanc.
Cela peut paraitre banal ou inamical, mais cela doit être dit: quand un Noir regarde autour de lui, il regarde, après tout, les gens qui contrôlent sa situation sociale, sinon sa vie, les gens que ses enfants rencontreront, les gens qui menacent tout ce qu’il aime.
Impossible pour un Noir de ne pas anticiper la catastrophe qui peut lui venir de ses compatriotes ».

Paroles et Ecrits d’Ananda Devi.

Alain Bauer

Je présente deux extraits de l’émission « La Grande Librairie » ( magnifiquement présentée par Augustin Trapenard) du mercredi 26 mars 2025 dans lesquels vous allez pouvoir écouter des paroles et des écrits, dont le contenu est très actuel, de l’écrivaine et poète Ananda Devi; je ne la connaissais pas et que l’ai donc découverte en regardant cette émission.

Voici donc un premier extrait dans lequel elle nous parle avec beaucoup de retenue de délicatesse et de pondération de la fragilité du langage et des mots que les discours actuels dénaturent, détournent, avilissent et transforment « en murs de mensonges ».



Le texte « les mots peuvent mourir de mort lente » est lu magnifiquement par Ariane Ascaride.


Dans le second extrait, Ananda Devi nous dit la nécessité, aussi indispensable et vitale que l’air et l’eau purs, des arts de la musique de la littérature et de la poésie pour résister aux tristement actuels discours vindicatifs et aux bras tendus stupides, emplis de haine débridée et effrayants.



« Ce chemin qui n’a pas de nom »

Ça pourrait être comme le titre d’un roman ou d’une chansonnette. Ça pourrait aussi un jeu de société bien connu pour soirées froides, avec ses dés, ses gares, sa case prison, ses cases « Chance » ou « vous reculez de trois cases » – avec l’avenue de la Paix ? ah non, pas l’avenue de la Paix – Ça pourrait être un game sur console avec son écran sa manette et sa bande son.

Mais non cette histoire n’est pas une fiction pour s’échapper d’un quotidien trop morne. C’est une histoire particulière vécue par une personne précise bien réelle dont le nom est Deedar, mais des milliers d’autres personnes partagent le même destin et vivent des histoires très similaires, bousculées par les violences et la barbarie sur des chemins interminables.

Deedar lorsque il est parti sur son chemin était un enfant de 15 ans et son chemin l’a amené à 17000 km de chez lui, au bout de 18 mois où trop nombreux sont les jours de souffrances extrêmes, les jours d’échecs et de désespoir, les jours à côtoyer la mort, cette mort qui a déjà emporté son frère ainé parti avant lui sur le même chemin.

Deedar est acharné, opiniâtre, résistant physiquement et moralement, intelligent et respectueux et a réussi à conserver sa vitalité son attachement au siens et sa sensibilité. Deedar a été soutenu le plus possible par les siens, par sa famille. Si Deedar est arrivé au bout du chemin, c’est parce qu’en plus Deedar a eu assez de chance, contrairement à beaucoup qui suivent le même chemin et qui au mieux finissent par renoncer.

Deedar est afghan. Avec sa famille, pourchassé par les talibans, il a du fuir l’Afghanistan et se réfugier dans un Pakistan hostile. Enfermé dans un camp de réfugiés Deedar n’en peut plus, et il dit à son cher père:

… on va tous mourir, un jour ou l’autre. Ca pourrait être ici. Ou là-bas. J’ai pensé que, pour moi, ça pourrait être plus tard encore, et ailleurs. Que je pourrais tenter ma chance pour une autre vie.

Deedar a raconté l’histoire de son chemin, son histoire. Claire Adhuy en a fait un livre magnifique, magnifiquement illustré par Maxime Garcia

Aujourd’hui Deedar vit en France où il a obtenu le statut de réfugié. Grace à ses qualités, il a rapidement obtenu un CDI comme cuisinier dans un restaurant et il rêve. Il rêve de devenir français ! et je lui souhaite que son rêve se réalise vite.

« La plus secrète mémoire des hommes »

La plus secrète mémoire des hommes

Je l’avais en mémoire quelque part; c’était le Goncourt de … je ne sais plus, enfin si maintenant puisque je l’ai sous les yeux, de 2021 donc. Dans ce que j’ai retenu le jury s’était auparavant vu critiqué quelque chose comme son ethnocentrisme en négligeant trop les œuvres pas assez hexagonales.

Mohamed Mbougar Sarr, l’auteur de ce roman, est originaire du Sénégal et a donc reçu le prix Goncourt en 2021, l’année de ces 31 ans. C’est un magnifique écrivain.

L'auteur sénégalais Mohamed Mbougar Sarr, photographié à la RAW Material Company à Dakar lors des Ateliers de la Pensée 2019.

Mohamed

Mbougar

Sarr

Avec une langue et une écriture d’une grande finesse, subtile, riche, raffinée nous sommes transportés dans l’espace (l’Afrique et le Sénégal, Paris, Amsterdam, l’Amérique du Sud) et dans le temps à travers le 20ième siècle (la première guerre mondiale, la seconde, les années d’avant et d’après guerre et encore d’autres) dans les méandres d’une quête d’un écrivain imaginaire, Diégane Latyr Faye, sur les pas et la destinée d’un auteur tout aussi mythique T.C. Elimane, de son vrais nom Elimane Madag, que nous ne connaitrons pas, après avoir découvert son unique roman « Le labyrinthe de l’inhumain » que nous ne lirons jamais.

T.C. Elimane est le fils de Mossane devenue la folle sous le manguier du cimetière et de Assane Koumakh, parti au champs d’honneur quelque part dans les Ardennes ou en Artois et n’en est jamais revenu, ou peut-être bien de son frère cadet Ousseynou Koumakh qui lui est resté au pays, d’abord comme pécheur puis, devenu aveugle, comme guérisseur et voyant.

Ce livre nous parle d’une autre quête, celle mystérieuse et silencieuse d’un TC Elimane, distant et présent, prisonnier de drames juste esquissés, écrivain très tôt incompris. Nous le suivons et le découvrons à travers les témoignages des personnages qu’il a fréquentés au cours de ces années, comme ses éditeurs Thérèse Jacob et Charles Ellenstein ou des écrivains, africains comme lui, Musimbwa, Béatrice Nanga, et d’autres comme Sabato et Gombrowicz.

Cette quête l’occupera des décennies et l’amènera très loin de chez lui et assèchera ses talents d’écrivain puisqu’il ne réussira pas à écrire son deuxième livre, c’est le regret amer de sa vie. Elle le ramènera finalement en Afrique dans son village où, loin des livres, il exercera comme son « père » ses talents de guérisseurs et de voyant et trouvera ainsi une paix relative parmi les siens.

Nina Bouraoui – Grand Seigneur

« Mon père est entré en soins palliatifs à la maison médicale Jeanne-Garnier le 28 mai 2022 ».

Ainsi débute ce livre qui raconte comment son auteur a vécu intimement les dernières semaines puis les derniers jours de la maladie de son père jusqu’à son décès et comment elle « commence non à accepter, mais à m’imprégner de l’idée de sa disparition ».

Et l’auteur plonge dans ses souvenirs et nous raconte sa vie et celle de son père, ancien haut diplomate algérien entré en disgrâce parce que marié avec une française non musulmane. Elle nous raconte son père vu de ses yeux d’enfant là-bas dans son Algérie natale, puis plus tard après leur départ contraint, au début des années 80, vers la France vers Vannes, puis Rennes, puis Paris.

Dans les derniers jours, Nina Bouraoui se livre à son père et à nous, lecteurs, et nous offre ses confessions:

Et puis c’est la fin.

Que dire ? Ce livre est empreint de sincérité, de sensibilité, de pudeur, de vérité, de dignité. Il fait un bien fou à lire. Il fait un bien fou à nous démontrer combien notre pays, son histoire, sa culture, sa langue sont redevables et riches de toutes ses personnes venues d’ailleurs, trop souvent en fuite devant la tyrannie, la violence ou la faim et qui nous apportent toute leur intelligence et toute leur sensibilité.

« Ecoutez nos défaites » de Laurent Gaudé*

Toute victoire n’est qu’illusion ou aveuglement, seule la défaite est vrais parce qu’inéluctable.

Alors, écoutez nos défaites, écoutez les biens !

Et ainsi se termine ce roman:

…, écoutez nos défaites, nous n’étions que des hommes, il ne saurait y avoir de victoire, le désir, juste, jusqu’à l’engloutissement, le désir et la douceur du vent chaud sur la peau.

Et l’auteur emmène le lecteur en différents lieux et en différentes époques dans les pas de celles et ceux qui rejouent toujours la même illusoire et vaine course éperdue vers la victoire éclatante, définitive et totale, et finalement au bout du compte toujours le même constat de déception et de défaite, puisque au bout toujours il y aura la déchéance physique la mort. A moins que…

A moins que par leur renoncement ne s’ouvre leur cœur et leurs yeux, et alors l’accès à leur vérité propre, profonde et donc aussi immuable qu’humaine, et avec, à leur paix intérieure et à leur volonté finalement intacte.

Et nous voici au temps des guerres punique entre Carthagène et Rome avec Hannibal qui défie et fait trembler Rome par sa volonté et son génie, un temps seulement.

… Il repense à sa vie – long galop^guerrier sur une terre en feu -, il repense à la victoire qu’il emmène avec lui, malgré la mort, celle d’être devenu un nom, insaisissable à ses ennemis, « Hannibal », et il sourit.

Et l’auteur nous emmène aussi en Syrie dans les pas d’une archéologue qui lutte contre deux cancers même temps, dans son corps et dans ce pays au moment où Daech déferle et s’évertue à vouloir détruire toutes traces de civilisations et d’histoire pour sauver de néant ces traces du passé.

…, mais il n’y a pas de défaite possible. car cela voudrait dire accepter de n’être plus ce que nous sommes, cela voudrait dire désapprendre à vivre. … D’Alexandrie à Bagdad. De Tunis à Palmyre, elle va poursuivre jusqu’à l’épuisement mais qu’importe puisqu’il ne peut y avoir de défaite.

Il nous amène dans l’Éthiopie dans les années 30 où Mussolini écrase par la terreur tout un peuple, puis à Genève en 1936 où dans un sursaut d’orgueil le roi des rois dénonce les crimes commis par les fasciste italiens et la lâcheté de l’Europe et de la SDN, avant de revenir sans légitimité à la fin de la guerre dans les pas du colonisateur anglais pour sombrer

Il sent que dorénavant le pays le regarde avec haine, lui et ses vingt sept Rolls Royce, lui et sa cour d’hommes inutiles, lui et ses richesses dans un pays qui meurt la bouche ouverte.

Et c’est la même chose, il y a quelques années dans les arcanes des services secrets français ou américains, à Abbottabad au Pakistan, à Tripoli, à Beyrouth et Addis-Abeba ou pendant la guerre de sécession aux États-Unis.

Tout ce qui se dépose en nous, année après année, sans que l’on s’en aperçoive: des visages qu’on pensait oubliés, des sensations, des idées que l’on était sur d’avoir fixées durablement, puis qui disparaissent, reviennent, disparaissent à nouveau, signe qu’au-delà de la conscience quelque chose vit en nous qui nous échappe mais nous transforme, tout ce qui bouge là, avance obscurement, année après année, souterrainement, jusqu’à remonter un jour et nous saisir d’effroi presque, parce qu’il devient évident que le temps à passer

Danser avec les ombres de Laurent Gaudé

Ce livre est une ode à Haïti, à son peuple, à sa culture, à sa richesse, à ses croyances, à sa sagesse et à son opiniâtreté, à soif de liberté et de justice. Ce livre est aussi une réflexion sur la mort, sur le deuil, sur la mémoire.

Tout autour c’est Haïti, Port aux Prince, ses dictateurs, ses tontons macoutes, ses rares très rares riches, ses pauvres, sa jeunesse, ses écrivains, ses penseurs, ses antifascistes de toujours, la violence, la vengeance, la joie de vivre, l’amour, le plaisir, la luxure, l’ironie, le vaudou, Baron Samedi, Goudou Goudou et les autres.

Ensuite il y a Saul, Emeline, Justine, Lucine, Nine, Ti Sourire, Ti Poulette, Lagrace, toute la jeunesse d’Haïti qui a soif de vérité, de culture et d’indépendance et qui vibre et sait se révolter.

Il y a les Kénol, la veuve Viviane, riche, très riche, dominatrice, autoritaire et sèche, et sa fille Lily, gravement malade, incurable, condamnée, Lily qui n’en peut plus de son lit d’hôpital, de son isolement et qui a soif de son pays, d’Haïti, de la vie vrais, du peuple qui souffre et rit.

Il y a le Vieux Tess et tous les habitués de Fessou, Jasmin, Domitien Lagloire, Firmin, le facteur Sénèque et tous les autres, tous aimant jouir de la vie, la liberté, l’amour, le peuple, la démocratie, le partage.

Et puis il y a aussi le sinistre Firmin, dit Matrak, damné, vieux tortionnaire à la solde des Duvalier et Aristide.

Et puis survient la Catastrophe, le tremblement de terre. La ville est détruite et les morts sont partout. Et les vivants se recherchent éperdument. La terre se fissure la confusion est totale et atteint les âmes des vivants. Les vivants croient retrouver leurs chers disparus et les morts sont heureux de rejoindre les vivants.

Mais Dame Petite, elle si effacée et silencieuse, se lève et avec le Vieux Tess entame la danse des ombres pour que les vivants sèment les morts, pour que les morts retournent dans la terre qui en se refermant sur eux laissera les vivants poursuivre leur vie et vivre leur deuil.

Il y en 40 ans, Reiser …

C’était un 5 novembre et c’était en 1983, Jean-Marc Reiser s’en est allé faire un tour dans l’au delà avec un détour par le cimetière pour retrouver ses nombreuses copines et copains.

Reiser on l’aimait tellement, tellement il nous a fait rire et tellement il avait du génie. Il disait et dessinait merveilleusement l’absurdité de la société, nos insolences et nos désarrois, et notre jeunesse dont il avait l’art d’en exorciser les tabous et d’en arrêter la fuite pour quelques éclats de rire.

Jamais on en a loupé un numéro de toute la bande de Charlie, lui bien sûr mais aussi Cavanna, Cabu, Wolinski et bien d’autres !

Et voici quelques unes, toujours d’actualité semble-t-il !

Bon, là merci de faire un petit effort et de remplacer « coupe du monde » par « jeux olympiques ».

Tiens ! ça n’a pas changé !

Et puis Reiser, c’était aussi la fidélité à l’engagement.

Reiser, l’homme qui aimait follement les femmes !

et les bêtes aussi !

EUTOPIA, un roman de Camille Leboulanger

Imaginez ! Imaginez notre monde, notre humanité devenue au cours des siècles à venir différents.

Imaginez le et imaginez la, ayant su échapper à la vénalité, au lucre, à la rapacité, en résumé ayant réussi à s’abstraire de toute recherche d’appropriation et de propriété et ayant su avec modestie et retenue reprendre sa juste place au cœur du vivant.

Le pivot Historique, c’est la Déclaration d’Antonia élaborée à la fin de « l’ère de camps » pour mettre fin à cette sombre période où des hommes enferment d’autres hommes dans des camps pour les détruire ou au moins pour les empêcher d’aller où ils veulent, ailleurs sur la Terre.

Cette Déclaration vaut le détour et en voici le préambule qui la résume bien:

Le livre de Camille Boulanger se situe dans le monde d’après, bien après son avènement avec la Déclaration d’Antonia. Le fil du récit c’est Umo une personne d’alors que nous accompagnons tout au cours de sa vie, depuis son enfance à Pélagoya jusqu’à sa vieillesse à Opéra.

Nous le suivons dans ce monde où le propriété, la famille, le salariat sont abolis et dans ses rencontres, dans ses amitiés et dans ses amours, dans les métiers et les activités qu’il est amené à pratiquer et dans les lieux successifs où il habite.

Aster, Héléna , Merlin, Ulf, Livia, Budur, Gob bien sûr, Silje, Pontus, Ingrid et d’autres encore accompagnent Umo sa vie durant et lui accordent attention bienveillance et amour.

L’altruisme est devenu le maître mot de ce monde, le travail est vécu comme un amour, un partage avec les autres, jamais comme une nécessité, comme un moyen de s’enrichir ou comme une compétition.

Le vie d’alors est aussi faite de bons et de mauvais moments, de conflits et de crises, de bonheurs et de malheurs, d’efforts également et de réconforts toujours.

Camille LEBOULANGER est un jeune auteur qui apporte son imagination, son optimisme et sa confiance à un moment où notre monde en a plus que besoin.

Son roman EUTOPIA a été publié fin 2022.

N’hésitez pas à vous plonger dans ce roman fleuve, vous ne vous y ennuierez pas et vous regretterez toutes ces personnes qui vous y croiserez quand vous aurez fini de le lire. A mettre entre toutes les mains !