Frakas de Thomas Cantaloube

Vous vous situez dans les toutes premières années 60. C’est les début du Gaullisme triomphant, la fin de la décolonisation et le début de la « FranceAfrique ». Vous prenez l’assassinat, véridique, d’un opposant africain dirigeant de l’UPC (Union des Populations du Cameroun), Félix Mounier, assassinat grossièrement piloté par le SDCE.

Vous prenez un journaliste, Luc Blanchart, issu des milieux policiers et qui a donc des « relations », à qui son rédacteur en chef plein de pugnacité, René, demande de faire une enquête sur cet assassinat.

En parallèle vous ajoutez un corse exilé à Marseille plongé de façon un peu bancale dans le « milieu », pas trafiquant, plutôt passeur et intermédiaire entre les « familles », Antoine Lucchesi, avec un bon fond et des responsabilités respectables, aimant sa femme Maria qui tient un restaurant , et s’occupant des enfants même s’il n’était pas leur père.

Et puis les choses s’enclenchent, ou se gâtent comme on veut.

Pour Luc, le journaliste, c’est simple: il sème beaucoup trop le trouble dans la mare aux caïmans en posant beaucoup trop de questions trop vite, et il échappe de justesse à un passage à tabac. Par ses anciennes relations, il remonte jusqu’à un des deux agresseurs un certain Grenier, agent des « services », justement en partance pour le Cameroun et auquel il emboîte le pas, ou plutôt l’avion.

Pour Antoine, c’est vraiment la faute à pas de chance. Le cuisinier du restaurant, Alphonse, a du rentré au pays pour revoir un vieux parent très malade et il a emporté sans le savoir (il est dans la doublure d’une valise que Maria a prêtée au cuisinier) un livre de comptes avec tous les arrangements entres les « familles » qui sont tout de suite très, très énervées. Et il n’a pas le choix: soit il le ramène sous un mois soit toute sa fratrie est ziguouillée. Il s’envole aussi sec vers le Cameroun.

Et Luc et Antoine se retrouvent au même hôtel restaurant, « Au relais des Chasses » tenu par la jolie Lucille, haut lieu de Yaoundé réservé aux « blancs », dont les militaires français, toujours très présents. Et là surgit dans l’histoire un militaire, Sirius Wolkstrom, grande gueule, plutôt pas sensible quoique, très allumé, il s’occupe d’explosifs, et surtout électron libre, très libre.

Et puis l’histoire avance, Antoine part à la recherche du cuisinier Alphonse. Bon au passage il pique une jeep en abandonnant en rase campagne son propriétaire qui malheureusement y trépasse. Antoine réussit quand même à retrouver Alphonse et à récupère son livre de comptes, de justesse avant que les forces de sécurité embarquent Alphonse soupçonné à raison d’être un membre de l’UPC, en abattant au passage son vieux parent. Antoine est corse, il a le sens de l’honneur et se refuse à abandonner Alphonse. Mais il est grillé parce que dénoncé pour son larcin et surtout pour la mort du propriétaire de la jeep. Lucille croit sa version des évènements et lui fournit une « planque » en attendant qu’il puisse dégager du pays.

Pour le journaliste, Luc, son enquête a bien avancé mais les choses tournent aussi forcément mal. Il est reconnu par Grenier et « on » lui demande de déguerpir. Comme il se fait prier, qu’à cela ne tienne, il se fait tirer dessus. Il doit prendre la tangente fissa, non sans amener Lucille qui s’est faite déposséder du « Au relais des Chasses ».

Maintenant, c’est le grand jeu final et c’est Wolkstrom qui le mène. Il trouve où est détenu Alphonse, réussit à piquer à l’armée française un hélicoptère avec son pilote, et parvient au culot à libérer Alphonse. Et c’est la fuite vers le sud et vers le Gabon en hélicoptère qui tombe en panne sèche. Ils sont alors rattrapés par les nervis français méchamment agressifs. Mais Alphonse a pu prévenir ses potes de l’UPC qui ont des arguments pour les calmer et permettent aux fugitifs de passer la frontière.

Enfin voici l’épilogue, Antoine a pu revenir avec le livre de comptes et reprendre sa vie avec Maria et les enfants. Alphonse retrouve sa place au restaurant. Luc ramène pour rien un article explosif à son rédacteur en chef qui a perdu entre temps de sa superbe. Mais il est revenu avec Lucille qui apprécie vite la vie parisienne. Woklstrom, sans attache particulière en France, préfère finalement l’Afrique où il se sent encore le mieux.

C’est la fin aussi pour Célestin chauffeur de taxi camerounais avec son antique 2Cv, qui va accompagner Antoine pendant tout le roman et l’aider dans ses recherches. Célestin, c’est la finesse, la discrétion, la gentillesse, l’intelligence et le courage. Il est malheureusement tué par les nervis avant leur libération.

« Tropique de la Violence »

Dans son roman publié en 2016, Nathacha Appanah nous amène dans une ile de la France d’Outre Mer, l’île de Mayotte, île de l’archipel des Comores perdue dans l’Océan Indien au large de Madagascar, une petite île avec son bidonville géant qui draine la misère avec la violence et la corruption dans des kwassas-kwassas venus depuis les îles voisines de l’archipel devenues indépendantes et abandonnées et qui sont depuis devenues un des états les plus pauvres du monde.

Avec Nathacha Appanah, la misère et le violence ne sont ni anonymes ni désincarnées. Dans son roman, Moïse et Bruce nous envahissent, nous y immergent , deux êtres si semblables « la même taille, la même forme du crâne, les mêmes lèvres charnues », et aussi la même couleur, les mêmes origines et enfin le même destin, finalement.

Moïse est apporté par la mer à bord d’un kwassas-kwassas; il est abandonné par sa mère parce qu’il aurait le mauvais œil, puis il est volé à son destin de clandestin par une muzungu, une « étrangère », Marie qui l’adopte illégalement. Il perd Marie trop tôt décédée et devient Mo la Cicatrice, enfant des rues, et retombe malgré lui dans sa destinée sous l’emprise de Bruce qui le soumet et l’écrase mais qu’à son tour il va réussir à dominer physiquement et qu’il va tuer pour s’en délivrer et peut être aussi pour le délivrer. Mo la Cicatrice redevient alors Moïse pour quelques heures seulement. Mais pour conserver sa liberté reconquise, il se jettera dans la mer par où il est arrivé et où il disparaît à jamais.

Bruce, son vrais nom c’est Ismaël Saïd. Son père voulait pour Ismaël un bel avenir: « mon père prie pour que j’aille loin que je traverse les mers que je porte un costume une cravate et que je parle bien français…. ». Mais ce n’était pas le destin d’Ismaël. A peine adolescent, parce qu’il ne réussit pas à être ce que son père voulait qu’il soit, il entre en conflit avec son père puis avec toute sa famille. Il devient rapidement Bruce, ado des rues, qui vit de rapines et de trafics. Dans cette jungle des rues, Bruce s’impose peu à peu, Bruce devient le « chef » de Gaza, quartier « défavorisé » de Kawesi. Enfermé dans son conflit avec son père, à la fois complice et piégé dans son rôle de chef de Gaza, Bruce est assoiffé de domination, il est violent,violeur, brutal et sadique.

« Gaza c’est un bidonville, c’est un ghetto, un dépotoir,un gouffre, une favela, c’est un immense camp de clandestins à ciel ouvert,… ». Gaza, c’est la putréfaction avancée de l’esclavage, puis du colonialisme, puis du néocolonialisme, en Afrique comme ailleurs. Gaza fabrique les Bruce.

Nathacha Appanah invite le lecteur à habiter ces personnages, à vivre tous les instants de leur vie, de leurs fuites, de leurs luttes, à penser comme eux, à ressentir leurs plaisirs et leurs souffrances.

Ce livre est donc paru en 2016. Aujourd’hui lorsque l’on consulte les actualités de l’île de Mayotte, on constate qu’il ne se passe pas de semaines sans agressions souvent mortelles. Les bidonvilles détruits ici réapparaissent là. Les kwassas-kwassas partent toujours des Comores voisines et s’ils ne disparaissent en mer apportent inlassablement de nouveaux migrants qui n’en finissent pas de tenter de fuir le dénuement et la misère.

"Les Délices de Tokyo"

C’est un livre de l’écrivain japonais Durian Sukegawa dans lequel on entre par une porte tout à fait insignifiante, comme une histoire banale d’un homme qui après des échecs répétés survit comme employé en tenant une boutique de dorayaki. Les dorayaki sont une patisserie japonaise faite d’une purée sucrée de haricots rouges fourrée dans une pâte style pâte à crêpe. Rien de bien spécial donc.
Et puis l’histoire de cet homme s’étoffe de rencontres avec ses clients. Et il rencontre ainsi une vieille femme un peu infirme qui finalement travaille avec lui et lui enseigne tous les secrets de la préparation des dorayaki. Avec une jeune collégienne très isolée qui se lient avec eux, ils deviennent une communauté attentive et inquiète.

L’histoire soudain bascule parce qu’une rumeur s’est répandue et fait fuir tous les clients. Cette rumeur dit que la vieille femme est porteuse d’une maladie terrifiante, la maladie de Hansen. La maladie de Hansen, c’est la lèpre. Elle a encore sévi au Japon après la guerre, à la fin des années 1940. Et le livre raconte avec beaucoup de finesse et de pudeur l’histoire dramatique de cette personne et de ces Japonais que la maladie a totalement exclus de la société japonaise.
Ce livre publié en 2013 a été traduit en français en 2016 par par Myriam Dartois-Ako. Un filme a été tourné en 2015 à partir de ce livre par la réalisatrice Naomi Kawase.

"La Vie Douce" en cadeau de Noël.

C’est ce roman de Leila Slimani que j’avais choisi comme cadeau de Noël cette année (enfin en 2017…) parce que je ne connaissais pas cette romancière et que j’avais envie de la découvrir.

Leila Slimani est une personne jeune née en 1981, française et d’origine marocaine. Elle est une fantastique écrivain avec une maîtrise, une élégance et une précision de langage rare.

Ce roman est terrible, c’est l’histoire d’un double infanticide. C’est une histoire horrible dont l’auteur démonte avec acuité et met au grand jour les mécanismes terrifiants avec au centre, Louise.
Louise dont la vie confuse et manichéenne se brise lentement. Elle sombre inexorablement, inéluctablement et définitivement. Et en essayant désespérément et follement d’échapper à sa chute, elle  entraîne avec elle les seuls qui ont été jusqu’au bout et sans le savoir le seul espoir de vie.
Un beau cadeau quand même, et qui aura une suite.
Mais comment nier ensuite le plaisir de se plonger dans mon second cadeau, comparativement bien léger et frivole, et dans les aventures du commissaire Adamsberg du dernier roman de Vargas!

MAUS

Art Spiegelman est un auteur de BD américain. Il est juif, comme son père et sa mère. Sa famille est d’origine polonaise. Sa mère et son père ont subi la barbarie, les persécutions et la déportation par les nazis pendant la seconde guerre mondiale, comme d’autres millions de juifs. Ils ont connu le camp d’extermination d’ Auschwitz et en ont réchappé par miracle.nComme de nombreux autres rescapés des camps, sa mère s’est suicidée en 1968.
A la fin des années 80, Art Spiegelman a recueilli les souvenirs de son père comme témoignage des souffrances inimaginables endurées par les juifs et les a publiés dans une oeuvre originale en bande dessinée: MAUS.
Dans cette bande dessinée Art Spiegelman nous amène avec lui à la rencontre de son père et de ses souvenirs et nous fait partager ses sentiments et ceux de son père où se mêlent les souvenirs du passé et leur résurgence douloureuse et continuelle dans le présent.

Cette oeuvre a été rééditée en 2015 pour le vingt cinquième anniversaire de sa parution.

Alors que les valeurs européennes et démocratiques s’affaissent, cette réédition vient nous rappeler aujourd’hui , le potentiel de la cruauté humaine et les risques présentés par les nationalismes, la nécessité de protéger et de développer l’esprit de tolérance et de démocratie, et par dessus tout l’importance de la justice sociale et de la lutte contre les pauvretés, bien à l’opposé de l’indifférence et cynisme couramment affichés.
Plus jamais ça !

"La cache"

Ce livre de Charles Bolstansky (le premier) nous invite dans une écriture simple, riche et splendide à la visite d’un lieu, d’une habitation dans la rue de Grenelle à PARIS, un peu en dehors du monde, lovée secrètement autour d’une cour intérieure.nLe livre nous raconte la vie dans ce lieu, celle d’un grand père, brillant médecin gastro-entérologue, d’une grand mère paralysée suite à un poliomyélite, de leur enfants et amis. Les personnages se promènent à travers l’histoire, avec la fuite du berceau originel, la lointaine Odessa, et des ses pogroms, puis dans la guerre de 14-18 « chaîne exterminatrice où il n’était qu’un maillon impuissant », pour arriver dans la seconde guerre qui débute avec la débâcle de l’armée française imputée à une cinquième colonne composée de Juifs et de métèques.

How the Earth's radius and circonference were found in the ancien Egypt ?

Erastostème was the first man who calculated the Earth ‘s circonférence and radius. He lived in Egypt between 273 and 192 before J C.
He observed that there were differences about drop shadows seen in the town of Alexandry in the north of Egypt and another town called Syène in the South of Egypt (near Assouan) : at the summer solstice (21 of june) at midday, in Syène there was no shadow (sun strictly at the vertical) while at the same hour in Alexandry there were shadows. The angle was mesured with a special sphere between the shadow and the vertical and was a whole angle divided by 50 (7,2°).
The Egyptians had yet evaluated the distance between Alexandry and Syène couting the number of steps done by a camel to go from Alexandry to Syène ; the distance was 5000 stadium (1 stadium’s value is 157,5 meters) or 787,5 km.
After that, Eratostème had two possibilities :
– if the earth was flat, the difference of the shadows should be explain by the difference of direction of the sun rays in Alexandry and in Syène; but it also meant that the sun should be very near from the earth.

– in the other explication, the sun should be very far from eath and the sun rays should have the same direction in the two towns (parallel). So the difference of shadows should be explained by the curve of the earth.

By many others observations (moon eclipses), he thank that the second possibility was right. So he deduced the circonférence of earth 50 x 787,5 = 39760 km. Today the Earth circonference value is 40075 km.
To know the Earth Radius value, Erastostème mesured the shadows done by a stick called « gnomon » and he calculated the radius value : 6550 km. Today the Earth Radius is known to be 6378 km.
Not so far and so elegant, only with a camel, a sphere and a stick !
ps: mais pourquoi un billet en anglais ? parce que ! (j’ai repris une préparation que j’ai faite pour mon cours d’anglais çà l’UPE Strasbourg).

Le Quatrième Mur.

 « Le Quatrième Mur » c’est le roman d’un théâtre rêvé, impossible, un livre de Sorj Chalandon, journaliste (actuellement au canard Enchaîné) et écrivain de renom. nLe quatrième mur, en langage théâtral, c’est le devant de la scène, entre spectateurs et acteurs, entre histoires réelle et fictive. Mur qu’aucun acteur ne peut impunément franchir.
Le théâtre du livre, c’est le Liban explosé, brisé, des années 80, celui où, au milieu des ruines communes, toutes les communautés s’affrontent s’assassinent, en carnages et mutilations, et subissent, impuissants, l’ironie, la violence et la loi de leurs voisins plus armés et plus forts , de leurs chasseurs bombardiers et de leurs chars d’assaut.
Le rêve, c’est celui de Sam, un enfant presque grec, juif, fils de la Shoa, dont la famille a été exterminée à Birkenau sous la pensée méthodique d’un criminel nazi, Alois Brunner.nMême adulte, même proche de la mort (il va mourir d’un cancer), il rêve encore. Il rêve de paix, pour lui, pour sa famille défunte, pour le monde, pour le Liban.
Son rêve, c’est de faire lâcher leurs armes à toutes les communautés libanaises qui s’affrontent, pour les réunir sur une scène dans un théâtre de ruines, pour les faire jouer une autre histoire désespérée, une autre vie.
Lorsque le rêve semble à portée de mains, depuis la scène du Théâtre, une main humaine est tendue vers les lambeaux du Liban déchiré, à travers le quatrième mur. Cette main est brutalement happée dans un paroxysme de violences de l’Histoire qui brise net et le Théâtre et les rêves de paix.
Et il ne reste plus qu’un air de musique lancinante et les cris de douleur et de souvenir, et peut être d’espoir,

ce sale espoir qui gâchait tout.

Winter’s Child – Camille

Oh what a funny feeling for a child Born in the middle of the funny feeling for a child
This is the middle of the night
This is the middle hold on
This is the middle of the night
This is the middle hold onHold on until the moon has gone
Until the mice no longer bite
Until the stars are on the run
Until your heart can breath the light
Until you’re Until you’re Until you’re bornOh what a funny feeling for a child
Born in the middle of the warThis is the middle of the night
This is the middle hold on
This is the middle of the night
This is the middle hold on
La nuit descend
Et tu es né
L’enfant de suie
Au sang mêlé
La guerre a fui
Voici la paix
Gonflé de vie
Le jour t ‘attend
Oh mon Liban
Oh what a funny feeling for a child
Born in the middle of the winter

"Le Sel de la Terre", un film actuellement dans les salles, à voir absolument.

Ce filme est un documentaire signé par Win Wenders et Juliano Robeiro Salgado.
Ce dernier est le fils du très grand photographe brésilien Sébastiao Salgado dont le documentaire nous propose de découvrir et la vie et l’oeuvre, les deux étant bien sûr intimement liés.

Fuyant le Brésil pendant la dictature des années 70, il s’est exilé en France pendant près de 10 ans et c’est ici, après avoir terminé des études d’économie, qu’il devient finalement, soutenu par femme Lélia, photographe.nDans les années 80, lié avec l’ONG Médecins sans Frontière il témoigne de la famine en Éthiopie et au Sahel…

…puis plus tard, dans les années 90, des atrocités commises au Rwanda et en République du Congo. Il en ramène des images d’une réalité inimaginable et insoutenable.
Et les populations d’Afrique ne sont pas les seules a touché ainsi le fond; dans l’Europe des années 90 Sébastiao Salgado photographie les conflits qui déchirent l’ex Yougoslavie et ses photos témoignent de la même sauvagerie et inhumanité.
Profondément humaniste, il écrit : Plus que jamais, je sens que la race humaine est une. Au-delà des différences de couleur, de langue, de culture et de possibilités, les sentiments et les réactions de chacun sont identiques. Les gens fuient les guerres pour échapper à la mort ; ils émigrent pour améliorer leur sort ; ils se forgent de nouvelles existences dans des pays étrangers : ils s’adaptent aux pires situations… .
Bien que simple témoin, il est très affecté par les scènes d’horreurs qu’il a photographiées et Il délaisse la photographie et son statut de photographe social
Rendu – littéralement – malade par le génocide du Rwanda qu’il avait couvert pour Magnum, il avait perdu sa foi en l’humanité et en lui-même. C’est à ce moment de dépression que sa famille lui a suggéré de reprendre la ferme de son père au Brésil. Pris de court, Salgado a hésité, puis accepté dans un réflexe de survie: il s’est soigné lui-même en soignant ce bout de terre que le développement avait ravagé. Il a créé une fondation et y a fait replanter des arbres, par milliers. Je ne sais pas si c’était aussi sponsorisé par Vale, mais toujours est-il qu’il a fait revivre la ferme, y a recréé des équilibres naturels. Dans la vidéo, on voit deux images, la première d’une sorte de cratère nu – le paysage qu’il a trouvé en revenant -, la seconde du même endroit rendu à la végétation..
Ce retour aux sources dans son pays le ramène à la photographie, son regard se tournant à présent vers les beautés de la nature. Après une dizaine d’année de travail, il vient de publier et d’exposer Genesis qui se veut au travers de somptueuses photographies un hymne à la nature et à la Terre.

Si les photos présentées sont très peu contestées, la démarche de ce travail l’est davantage : Mais la question qui se pose est: est-ce que le photographe brésilien le plus connu du moment n’aurait pas vendu son âme au diable? Ce photographe a-t-il encore une crédibilité pour parler des problèmes environnementaux? Lors du vernissage à Lausanne, le public était nombreux et, pour La Nuit des musées, près de 5000 personnes sont venues. Le succès de Salgado devient un phénomène international, mais progressivement une rumeur se lève, le photographe reconnu est soutenu pour ce travail par l’entreprise Vale ou Companhia Vale do Rio Doce, l’un des plus grands opérateurs énergétiques et logistiques du Brésil, cette dernière ayant financé entièrement le projet Genesis. Et cela pose un problème moral et éthique important. Là où le bât blesse, c’est que cette quête photographique à l’échelle de la planète, issue de trente voyages jusqu’aux confins du monde, a été financée exclusivement par un groupe d’extraction minière du Brésil et géant mondial mis en cause dans de nombreuses affaires. De plus, cette entreprise, en raison de son activité souvent douteuse, a reçu le Prix public Eye Awards en 2012 qui est reconnu comme «le Nobel de la honte» pour une entreprise privée. Ce prix désignant Vale comme étant la «pire entreprise de la planète» en raison de sa responsabilité pour des dégâts environnementaux graves.
C’est à chacun de se faire une idée mais, à mon avis, cela n’entache pas la personnalité émouvante de ce photographe et la qualité du filme qui le présente.