Passion du regard.

Antonio Gamoneda.
 

Le soir entre soudain dans la cuisine, s’affole sur le cuivre, met en gloire la rouille des mères. Comme une toile il gagne les chambres, traverse, dore la face de l’homme, heurte les boiseries, franchit le laurier, tremble dans ses feuilles.
A présent, sur les chemins reviendront mules blanches et bœufs rouges et, fatigués, les hommes avec leurs cheveux plein de pailles
de blé.
Les ombres s’agrandissent au bord  du mur de terre. Des langues d’acier plongent dans les eaux silencieuses.

Antonio Gamoneda….

J’ai fait presque toute les librairies de Strasbourg sans avoir pu trouver une seule des publications existantes de ce poète.
Etonnante absence (rejet ?) pour un poète célébré comme une des grandes voix de la poésie espagnole, peut-être à cause de sa poésie pleine de notre inexorable dégradation et de notre inépuisable souffrance. Mais cette poésie dépasse cette exploration désespérée sait offrir des instants sans limites.
Heureusement la Médiathèque Municipale de Strasbourg permet d’accéder à toutes ses oeuvres.

Froid des Limites.

voici un poème qui peut être dédié à nos insomnies…

C’est bientôt l’aube. Il y a encore de la nuit sur tes plaies.
Voici venir les couteaux du jour. Ne
te mets pas nu dans la lumière, ferme les yeux.
Reste dans ton lit sanglant.

Cet autre poème me fait penser à une peinture: la madone d’Edouard Munch

Les serpents crient dans les cellules de l’air. L’ébriété monte des jambes féminines et toi tu poses tes lèvres sur leurs liquides.
Cueille la fleur de l’agonie. Elle est
encore humide la cendre que tu aimes.
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Et voici toute la perfection et la pureté des mots simples …

Clarté sans repos

J’ai posé mes mains sur un visage et je les ai retirées blessées d’amour. A présent
l’oubli caresse mes mains.

Une passion froide durcit mes larmes.
Les pierres pèsent sur mes yeux : quelqu’un
me détruit ou m’aime.

Antonio Gamoneda.

Ma rencontre avec la poésie d’Antonio Gamoneda est fortuite et foudroyante. J’ai aimé tout de suite son acuité vertigineuse et sombre, sa survivance dans la recherche de la vérité et de l’absolu à travers le mensonge, dans cette promiscuité entre la lumière agonisante et acide et les ténébres de la perfection prétentieuse, dans la charnelle purulence de l’ardente et épaisse trahison, jaune, chaleureuse et réconfortante.
Sa poésie renferme la nausée et la violence de l’Espagne franquiste vécues dans la chair et le sang.
Il dit lui-même que son « profil d’écrivain va être déterminé par un ensemble de composantes historiques et biographiques : pauvreté familiale, rare fréquentation de l’école publique et contemplation innocente de la cruauté et de la misère morale de la guerre civile et de l’après-guerre militarisée

La lumière bout sous les paupières.
D’un rossignol abîmé dans la cendre, de ses noires entrailles, surgit une tempête. Les pleurs descendent dans les anciennes cavités jaunes, je discerne des fouets vivants
et le regard immobile des bêtes, leur aiguille froide dans mon coeur.
Tout est présage. La lumière est la moelle de l’ombre: des insectes vont mourir sur les bougies de l’aube. Ainsi
brûlent en moi les significations.
 

Il se peut que le silence dure au-delà de lui-même et que l’existence ne soit qu’un cri noir , un hurlement face à l’éternité.
L’erreur pèse sur nos paupières.
 

Le souffle de la poésie ondule dans la sérénité de nos anciennes douleurs.

1Q84.


Non il ne s’agit pas d’un code secret quelconque, c’est l’énigmatique titre du dernier roman en trois volumes du romancier japonais Harika Murakami.
 
 
 
 

Si un soir dans un ciel limpide, vous hésitez puis vous vous frottez bien les yeux et vous vous pincez cruellement, et malgré cela, mais oui, vous apercevez bien, à côté de notre bonne vieille lune, une nouvelle lune plus petite de teinte verdâtre, inquiétez vous.
C’est le signe que l’aiguillage a été activé. Comme pour les personnages de ce roman, votre vie a basculé à votre insu dans l’univers 1Q84 sous l’influence funeste des forces mystérieuses des Little People. Mais il ne faut pas se laisser abuser par les apparences, il n’y a toujours qu’une réalité.
 
Les Little People sont des êtres invisibles. Nous ne savons pas s’ils sont bons ou mauvais, s’ils possèdent une substance ou non. Pourtant, constamment, ils creusent le sol sous nos pieds. Les Little People de l’univers 1Q84 sont les héritiers de Big Brother, le leader éclairé et écrasant, mais aujourd’hui trop évident, du roman 1984 de Georges Orwell. Les Little People et l’étrange secte qu’ils inspirent (les Précurseurs) tissent et étendent laborieusement et méthodiquement leur toile invisible. Mais dans cet univers comme dans tout autre, le monde conserve un équilibre subtil et, plus leurs forces se lèvent, plus des forces qui leurs sont opposées apparaissent.
Comme Tengo et Aomamé, vous voilà projetés sans le savoir, au péril de votre vie et de celle de vos proches, dans un affrontement sans merci avec la secte des Précurseurs.
 
Aomamé, sa bouche fermée suggérait une personnalité qui s’adaptait difficilement. Ses lèvres étroitement closes ne laissaient jamais apparaître le moindre sourire et ses yeux étaient vigilants et froids. Qu’on la remarque et qu’on se souvienne d’elle le moins possible, voilà ce qu’elle avait toujours recherché étant enfant, et c’est ainsi qu’elle avait depuis toujours réussi à se protéger‘.
Tengo était tout à la fois, peut être judoka de talent, peut-être grand romancier, peut être mathématicien de génie et toujours curieux. Mais il lui manque le désir, il ne voulait pas réussir coûte que coûte et il finissait toujours par être battu. Cela lui importait peu, il souhaitait simplement que les jours s’écoulent sans dérèglement, sans heurt ni incident.
 
Tengo et Aomamé sont chacun à leur manière des êtres volontaires, honnêtes, purs et révoltés, solitaires et blessés, habités par le doute ou par la colère. Aveuglément, mus par leur destin et par le souvenir de leur fulgurante et fugitive rencontre étant enfants, ils se rapprochent lentement l’un de l’autre. Mais, pourtant, il est écrit que seul l’un d’eux pourra revenir de l’univers 1Q84 et échapper aux griffes des Little People et des Précurseurs.

Une belle exposition photos à Bischheim

J’invite ceux qui peuvent s’y rendre à aller à la cour de Boecklin, c’est à Bischheim, où se tient une exposition de photos de Albert Hubert, qui relate une très belle histoire quelque part dans le nord de l’Argentine, une histoire de liberté, de solidarité, d’amitiés, d’entr’aide et de rencontre entre deux peuples, les Kanaks de Nouvelle Calédonies et les indiens Tobas d’Argentine.
Ces indiens Tobas ont reconquéri après plusieurs dizaines d’années de manifestations, de démarches, d’informations, de luttes, le droit de disposer de leur terres ancestrales dont ils avaient été chassés. Et une fois revenus sur leur territoire, pour se réapproprier leur ancien mode de vie oublié après tant d’années, ils ont eu besoin de l’aide d’un peuple qui avait pu garder le contact avec un mode de vie équivallent.
Ainsi est née grâce à une chaine de solidarité d’églises protestantes, cette « improbable rencontre » entre les Kanaks et les Tobas, que nous relatent les magnifiques photos d’Albert Hubert.
voici une des photos de l’exposition:

aspects pratiques:
– l’adresse:
* Espace Expositions – Cour des Boecklin
17 rue Nationale 67800 BISCHHEIM
– les horaires:
l’espace expo est ouvert jusqu’au 30 mars 2008
* mardi, mercredi et dimanche de 14h à 18h
* samedi de 10h à 12h et de 14h à 18h.
– le prix:
* les visites sont gratuites.
– le site internet de la mairie de Bishheim:
* http://www.ville-bischheim.fr
– le livre:
* « Kanaks et Tobas » de Albert Hubert
aux Editions Olivetan